Extrait :
BIENVENUE NULLE PART
Introduction aux paradis fiscaux
Les paradis fiscaux sont partout. Plus de la moitié du commerce international - du moins sur le papier - passe par eux. Plus de la moitié de tous les actifs bancaires et un tiers des investissements directs à l'étranger des multinationales transitent par des centres financiers off-shore. Environ 85 % des opérations bancaires internationales et des émissions d'obligations sont effectuées via ce que l'on appelle l'Euromarket, un espace off-shore apatride que nous examinerons plus loin. Le FMI a évalué en 2010 que le bilan cumulé des petits paradis fiscaux insulaires s'élevait à 18000 milliards de dollars - une somme équivalente à un tiers du PIB mondial -, précisant que ce montant était sans doute sous-estimé. La Cour des comptes américaine (le Government Accountability Office) a révélé en 2008 que 83 des plus grandes entreprises du pays possédaient des filiales dans les paradis fiscaux. L'année suivante, une enquête du Tax Justice Network (le réseau pour la justice fiscale) - à partir d'une définition plus large du paradis fiscal - nous a appris que 99 des 100 plus grandes entreprises européennes avaient recours à des filiales off-shore. Dans chaque pays, les banques sont les sociétés qui, de loin, recourent le plus aux paradis fiscaux.
Personne ne s'accorde sur ce qu'est un paradis fiscal. A vrai dire, le terme prête à confusion, car le paradis fiscal n'offre pas seulement une échappatoire à l'impôt : il garantit le secret, permet de se soustraire à la réglementation financière et offre la possibilité d'ignorer les lois et les règles qui, partout ailleurs, régissent la vie en société. Je propose dans mon livre une définition souple du paradis fiscal : «Lieu qui se propose d'attirer des activités économiques en offrant à des particuliers ou à des entités un cadre politiquement stable permet tant de contourner les règles, les lois et les réglementations édictées dans les autres pays.»5 La raison d'être des paradis fiscaux, c'est de fournir à quelques privilégiés le moyen d'échapper aux obligations qui incombent à tout un chacun du fait de vivre en société - des obligations telles que payer ses impôts, se soumettre aux lois économiques, pénales, successorales, etc. C'est cela même qui constitue la base de leur activité : c'est ce qu'ils font.
J'ai choisi une définition large du paradis fiscal pour deux raisons : d'une part, pour remettre en cause l'idée communément admise qu'il est acceptable pour un pays de s'enrichir en sapant les lois des autres pays ; d'une part, pour disposer d'une loupe à travers laquelle examiner l'histoire récente du monde. Cette définition me permettra de démontrer que les paradis fiscaux ne sont pas des excroissances pittoresques de l'économie mondialisée, mais qu'au contraire ils sont logés en son coeur.
(...)
Présentation de l'éditeur :
Voici un livre essentiel - et accessible à tous - pour quiconque veut comprendre les raisons cachées de la crise mondiale. En ouvrant des pages jusqu'ici méconnues de la mondialisation, l'ouvrage dévoile en effet les mécanismes, les abus et la corruption qui se trouvent au coeur du système des paradis fiscaux et la façon dont ceux-ci compromettent gravement nos démocraties. Nicholas Shaxson nous invite à faire une véritable révolution copernicienne : Les paradis fiscaux ne sont pas à la périphérie de l'économie mondiale : ils en sont le centre de gravité. Les principaux paradis fiscaux ne sont pas des îles exotiques des Caraibes, mais la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Parmi les principaux bénéficiaires de l'évasion fiscale, on trouve non pas des trafiquants de drogue, des terroristes, des célébrités ou la mafia, mais les multinationales et les banques. L'endettement des pays pauvres, la liquidation de l'État-providence dans les pays riches et la crise financière mondiale sont intimement liés au système off-shore.
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.